TEXTES SACRES - Aurélie Godefroy

Sagesses Maories

De la conception l’accroissement.
De l’accroissement l’excroissance.
De l’excroissance la pensée.
De la pensée la souvenance.
De la souvenance le désir.

Le mot devint fertile.
Il résidait dans la lueur exsangue.
Il engendra la nuit :
La grande nuit, la longue nuit
La nuit la plus basse et la nuit la plus haute
La nuit dense qu’on éprouve
La nuit qu’il faut toucher, la nuit qu’on ne voit pas.
La nuit qui se poursuit
S’achevant dans la mort.

Du néant l’engendrement :
Du néant l’accroissement :
Du néant l’abondance :
Le pouvoir d’accroissement, le souffle vivant
Il résidait dans l’espace vacant
Il produisit le firmament qui s’étend au dessus de nous.

L’atmosphère qui flotte au dessus de la terre.
Le grand firmament au-dessus, l’espace déplié résidait avec la première aube.
Puis la lune jaillit.
L’atmosphère au-dessus résidait avec le ciel scintillant.
Puis le soleil jaillit.
Ils furent jetés en l’air comme les grands yeux du ciel.
Puis le ciel devint lumineux.
L’aube pointa, le jour pointa.
Midi. Le feu du jour tombant du ciel.

Pérou

DANSE PÉRUVIENNE

Debout, femme
Lève-toi, femme
Un chien hurle
Au milieu de la rue

Que la mort arrive
Que la danse arrive

La danse est là
Il faut danser
La mort est là
Tu n’y peux rien

Ah, quelle froidure
Ah, quel vent
— (Indiens Ayacucho)

Sagesses précolombiennes
(Mayas, Aztèques, Incas...)

Chant de Cacamatzin

Amis écoutez !
Que nul ne vive orgueilleusement !
La colère, les querelles,
Oubliez-les, effacez-les !
Il est temps ici-bas.

Hier on mes disait,
Au jeu de balle,
On me disait, on murmurait :
Comment être un homme ?
Comment agir avec sagesse ?
J’y songe sans cesse.
Tous disaient :
Nulle parole n’est véridique ici-bas
— Cacamatzin (1494-1520)
La brume s’étend,
Sonnent les conques.
Comme une pluie,
Sur moi, sur la terre entière,
Les fleurs : elles naissent, elles ‘épanouissent,
Elles viennent donner la joie au monde.
Comme dans sa demeure,
Notre Père, comme l’oiseau quetzal au Printemps,
Se pare de fleurs.
Il est là, Celui qui donne la vie.
Voici que vibrent les riches tambours,
Que chantent les flûtes harmonieuses,
Trésor du Dieu, du maître des Cieux.
Ainsi qu’un collier de plumes rouges
Il frémit sur le monde.
— Cacamatzin (paroles aztèques)
Quand le soleil se montra, il ressemblait à un homme. Il chauffait beaucoup de sorte qu’il assécha la surface de la terre, d’abord humide et fangeuse.
À peine le soleil s’était-il levé que n’en pouvait supporter la chaleur, mais cela n’arriva qu’au début. Ensuite, il ne resta de l’astre solaire que son reflet. Le soleil qui luit aujourd’hui n’est pas le même qu’autrefois. Ainsi le rapporte la tradition, la parole transmise.

Dans la maison des peintures
Le chant commence
Le chant est entonné
Les fleurs se déploient
Le chant met en joie.

Au-dessus des fleurs chante
Le faisan rayonnant :
son chant se répand
dans l’épaisseur des eaux.
Lui font écho
Toutes sortes d’oiseaux rouges :
L’oiseau rouge éblouissant
Chante un chant resplendissant.

Ton cœur est un livre peint
Tu es venu pour chanter
Pour faire résonner Tes tambours.
C’est Toi le chanteur.
Dans la maison du printemps
Tu rends le peuple heureux.

Toi seul octroie
Les fleurs enivrantes
Les fleurs précieuses.
C’est toi le chanteur
Dans la maison du printemps
Tu rends le peuple heureux.

Avec des fleurs Tu écris
Toi qui donne la vie
Avec des chants Tu donnes les couleurs
Avec des chants Tu donnes l’ombre
A ceux qui doivent vivre sur la terre.

Plus tard tu détruiras les aigles et les ocelots :
Nous ne vivons que dans Ton livre peint
Ici, sur la terre.

Avec l’encre noire Tu effaceras
Tout ce qui faisait l’amitié
La fraternité, la noblesse.

Tu donnes l’ombre à ceux
Qui doivent vivre sur la terre.
Nous ne vivons que dans ton livre peint
Ici, sur la terre.

Je comprends ce qui reste secret, caché :
Ô mes seigneurs !
Ainsi sommes-nous
Nous sommes mortels
Hommes de bout en bout
Un jour il nous faudra partir
Un jour il nous faudra mourir sur terre.
Comme une peinture
Nous serons effacés.
Comme une fleur
Nous flétrirons
Ici sur terre.
Comme les parures de plumes de l’oiseau
L’oiseau précieux au cou agile
Il faudra succomber.
Pensez à cela, mes seigneurs
Aigles et ocelots
Que vous soyez de jade
Que vous soyez d’or.
Vous aussi devez rejoindre
Le pays des décharnés.
Nous devons tous disparaître
Pas un seul ne restera.
— Indiens Nahuatl / Le livre peint (d’après Nezahualcoyotl)

Sagesses chamaniques : Sibérie, inuits

Les chants sont des pensées, exprimées par le souffle lorsque des forces puissantes traversent les individus et que la parole ordinaire ne suffit plus à les traduire. L’homme est alors entraîné, tel un boc de glace dérivant au fil du courant. Ses pensées obéissent au flux d’une force – qu’il éprouve joie, crainte ou tristesse. Les pensées peuvent le submerger comme un déluge inattendu, lui coupant le souffle et faisant battre son cœur. Un phénomène semblable à une altération du climat le maintiendra dans cet état de dégel. Et il peut arriver que nous qui nous sentons si petits éprouvions plus encore notre petitesse. Et que nous ayons peur de nous servir des mots. Mais il peut aussi arriver que les mots dont nous avons besoin sortent d’eux-mêmes. Et quand les mots dont nous voulons nous servir viennent ainsi de leur propre chef- nous avons un nouveau chant.
— Esquimau Netsilik
Tout ce qui est
Est vivant

Sur la berge escarpée d’un fleuve,
Il est une voix qui parle.
J’ai vu le maître de cette voix,
Il m’a salué de la tête,
J’ai parlé avec lui,
Il a répondu à toutes mes questions.

Tout ce qui est
Est vivant.

Petit oiseau gris,
Petite gorge bleue,
Chante dans une branche creuse,
Apelle ses esprits, danse,
Chante ses chants de chamane,
Pic sur un arbre,
Voila son tambour
Et l’arbre tressaille,
Crie comme un tambour
Lorsque la hache mord son flanc.

Toutes ces choses répondent à mon appel.

Tout ce qui es
Est vivant.

La lanterne se promène,
Les murs de cette maison ont des langues,
Même ce bol a son propre foyer.
Les peaux assoupies dans leur sac
Ont murmuré toute la nuit.
Les bois sur les tombes
Se lèvent et encerclent les tertres
Alors que les morts eux mêmes se lèvent
Et s’en vont rendre visite aux vivants.
— Chant d’un chaman de la tribu chuckchee de Sibérie (Gougaud Albin)
Ô mon tambour multicolore,
Toi qui te tiens à l’avant !
Ô mon joyeux tambour décoré,
Que ton épaule et ton cou soient forts !
En avant, en avant, ma biche, mon cheval !
O mon tambour décoré qui te tiens à l’avant !
Tambour sonore, mon coursier,
N’oublie pas le silence !
Tambour de peau,
Exauce mes désirs !
Comme les nuages fugitifs emporte-moi,
A travers la terre des ténèbres,
Sous le ciel de plomb
Emporte-moi comme le vent
Au-dessus des cimes !
— « Le tambour du chaman »
Nous vivons dans la neige.
Nous savons ce qu’est le froid.
Nous avons appris à le vaincre.
Comment ?
En lui opposant sans cesse
L’allégresse du cœur.
— (Chaman inuit anonyme)

Le chaman arrive à la maison de l’homme riche et se met à charmer et à enchanter mais pas en implorant dieu et les esprits. Le chaman crée lui-même. Il façonne les os avec de la pierre. La chair avec de l’argile. Le sang avec l’eau de la rivière. Puis il entreprend de fabriquer l’âme. Il recueille soixante-dix espèces de fleurs et prépare l’âme. Quelques temps s’écoulent puis l’homme riche voit naître un enfant dans sa maison.
— (« ce que fit le 1er chaman » mythe Bouriate Sibérien)