Aurélie Godefroy
Textes sacrés
De la conception l’accroissement. De l’accroissement l’excroissance.De l’excroissance la pensée.De la pensée la souvenance.De la souvenance le désir.Le mot devint fertile.Il résidait dans la lueur exsangue.Il engendra la nuit :La grande nuit, la longue nuitLa nuit la plus basse et la nuit la plus hauteLa nuit dense qu’on éprouveLa nuit qu’il faut toucher, la nuit qu’on ne voit pas. La nuit qui se poursuitS’achevant dans la mort.Du néant l’engendrement :Du néant l’accroissement : Du néant l’abondance :Le pouvoir d’accroissement, le souffle vivantIl résidait dans l’espace vacantIl produisit le firmament qui s’étend au dessus de nous. L’atmosphère qui flotte au dessus de la terre.Le grand firmament au-dessus, l’espace déplié résidait avec la première aube.Puis la lune jaillit.L’atmosphère au-dessus résidait avec le ciel scintillant.Puis le soleil jaillit.Ils furent jetés en l’air comme les grands yeux du ciel.Puis le ciel devint lumineux.L’aube pointa, le jour pointa.Midi. Le feu du jour tombant du ciel.
DANSE PÉRUVIENNEDebout, femmeLève-toi, femmeUn chien hurleAu milieu de la rueQue la mort arriveQue la danse arriveLa danse est làIl faut danserLa mort est làTu n’y peux rienAh, quelle froidureAh, quel vent
Chant de Cacamatzin Amis écoutez !Que nul ne vive orgueilleusement !La colère, les querelles,Oubliez-les, effacez-les !Il est temps ici-bas. Hier on mes disait,Au jeu de balle,On me disait, on murmurait :Comment être un homme ?Comment agir avec sagesse ?J’y songe sans cesse.Tous disaient :Nulle parole n’est véridique ici-bas
La brume s’étend,Sonnent les conques.Comme une pluie,Sur moi, sur la terre entière,Les fleurs : elles naissent, elles ‘épanouissent,Elles viennent donner la joie au monde.Comme dans sa demeure,Notre Père, comme l’oiseau quetzal au Printemps,Se pare de fleurs.Il est là, Celui qui donne la vie.Voici que vibrent les riches tambours,Que chantent les flûtes harmonieuses,Trésor du Dieu, du maître des Cieux.Ainsi qu’un collier de plumes rougesIl frémit sur le monde.
Quand le soleil se montra, il ressemblait à un homme. Il chauffait beaucoup de sorte qu’il assécha la surface de la terre, d’abord humide et fangeuse. À peine le soleil s’était-il levé que n’en pouvait supporter la chaleur, mais cela n’arriva qu’au début. Ensuite, il ne resta de l’astre solaire que son reflet. Le soleil qui luit aujourd’hui n’est pas le même qu’autrefois. Ainsi le rapporte la tradition, la parole transmise.
Dans la maison des peinturesLe chant commenceLe chant est entonnéLes fleurs se déploientLe chant met en joie.Au-dessus des fleurs chanteLe faisan rayonnant : son chant se répanddans l’épaisseur des eaux.Lui font échoToutes sortes d’oiseaux rouges : L’oiseau rouge éblouissant Chante un chant resplendissant. Ton cœur est un livre peintTu es venu pour chanterPour faire résonner Tes tambours.C’est Toi le chanteur. Dans la maison du printempsTu rends le peuple heureux.Toi seul octroieLes fleurs enivrantesLes fleurs précieuses. C’est toi le chanteurDans la maison du printempsTu rends le peuple heureux. Avec des fleurs Tu écrisToi qui donne la vieAvec des chants Tu donnes les couleursAvec des chants Tu donnes l’ombreA ceux qui doivent vivre sur la terre. Plus tard tu détruiras les aigles et les ocelots :Nous ne vivons que dans Ton livre peintIci, sur la terre. Avec l’encre noire Tu effacerasTout ce qui faisait l’amitiéLa fraternité, la noblesse.Tu donnes l’ombre à ceuxQui doivent vivre sur la terre.Nous ne vivons que dans ton livre peintIci, sur la terre. Je comprends ce qui reste secret, caché :Ô mes seigneurs !Ainsi sommes-nousNous sommes mortelsHommes de bout en bout Un jour il nous faudra partirUn jour il nous faudra mourir sur terre.Comme une peintureNous serons effacés.Comme une fleurNous flétrironsIci sur terre. Comme les parures de plumes de l’oiseauL’oiseau précieux au cou agileIl faudra succomber.Pensez à cela, mes seigneursAigles et ocelotsQue vous soyez de jadeQue vous soyez d’or. Vous aussi devez rejoindreLe pays des décharnés. Nous devons tous disparaîtrePas un seul ne restera.
Les chants sont des pensées, exprimées par le souffle lorsque des forces puissantes traversent les individus et que la parole ordinaire ne suffit plus à les traduire. L’homme est alors entraîné, tel un boc de glace dérivant au fil du courant. Ses pensées obéissent au flux d’une force – qu’il éprouve joie, crainte ou tristesse. Les pensées peuvent le submerger comme un déluge inattendu, lui coupant le souffle et faisant battre son cœur. Un phénomène semblable à une altération du climat le maintiendra dans cet état de dégel. Et il peut arriver que nous qui nous sentons si petits éprouvions plus encore notre petitesse. Et que nous ayons peur de nous servir des mots. Mais il peut aussi arriver que les mots dont nous avons besoin sortent d’eux-mêmes. Et quand les mots dont nous voulons nous servir viennent ainsi de leur propre chef- nous avons un nouveau chant.
Tout ce qui estEst vivantSur la berge escarpée d’un fleuve,Il est une voix qui parle.J’ai vu le maître de cette voix,Il m’a salué de la tête,J’ai parlé avec lui, Il a répondu à toutes mes questions.Tout ce qui estEst vivant.Petit oiseau gris,Petite gorge bleue,Chante dans une branche creuse,Apelle ses esprits, danse,Chante ses chants de chamane,Pic sur un arbre,Voila son tambourEt l’arbre tressaille,Crie comme un tambourLorsque la hache mord son flanc.Toutes ces choses répondent à mon appel.Tout ce qui esEst vivant.La lanterne se promène,Les murs de cette maison ont des langues,Même ce bol a son propre foyer.Les peaux assoupies dans leur sacOnt murmuré toute la nuit.Les bois sur les tombesSe lèvent et encerclent les tertresAlors que les morts eux mêmes se lèventEt s’en vont rendre visite aux vivants.
Ô mon tambour multicolore, Toi qui te tiens à l’avant !Ô mon joyeux tambour décoré, Que ton épaule et ton cou soient forts !En avant, en avant, ma biche, mon cheval !O mon tambour décoré qui te tiens à l’avant !Tambour sonore, mon coursier,N’oublie pas le silence !Tambour de peau, Exauce mes désirs ! Comme les nuages fugitifs emporte-moi, A travers la terre des ténèbres, Sous le ciel de plombEmporte-moi comme le ventAu-dessus des cimes !
Nous vivons dans la neige.Nous savons ce qu’est le froid.Nous avons appris à le vaincre.Comment ?En lui opposant sans cesseL’allégresse du cœur.
Le chaman arrive à la maison de l’homme riche et se met à charmer et à enchanter mais pas en implorant dieu et les esprits. Le chaman crée lui-même. Il façonne les os avec de la pierre. La chair avec de l’argile. Le sang avec l’eau de la rivière. Puis il entreprend de fabriquer l’âme. Il recueille soixante-dix espèces de fleurs et prépare l’âme. Quelques temps s’écoulent puis l’homme riche voit naître un enfant dans sa maison.